Auteur réalisateur Nicolas Deveaux est arrivé chez Cube avec un projet baptisé « 7 tonnes 2 », un court métrage devenu culte où il fait sauter un éléphant sur un trampoline. Si son sujet de prédilection est la représentation animale en l’emmenant dans des situations plus surréalistes, il n’en demeure pas moins très réaliste quant à la nécessité d’agir pour l’environnement.
Diplômé de Supinfocom (Rubika désormais) à Valenciennes, Nicolas Deveaux voue une grande passion au monde animalier qu’il aborde aussi avec un côté scientifique. « Il faut connaitre beaucoup de choses de l’anatomie, des habitudes de l’animal, des attitudes de mouvement pour le faire marcher. Et après tout mon travail c’est de faire voyager ces animaux et les emmener dans des contrées où ils n’ont pas l’habitude d’être sans trop les anthropomorphiser. Ils font des choses humaines mais ils restent de vrais animaux, par ce que l’on connait d’eux », explique-t-il.
Alors si concernant l’acronyme RSE il est un peu perplexe, « Je ne sais même pas ce que cela veut dire, Recherche Super Energie ? Ressources Sociales et Environnementales ? », avoue Nicolas, il enchaîne aussitôt assurant « mais cela me parle. L’environnement est quelque chose qui m’intéresse, ou m’angoisse beaucoup depuis longtemps. La question de l’animal est reliée à celle de l’environnement. Ce qui me touche en plus c’est la perte de le biodiversité, l’altération des paysages sauvages ». Et bien sûr pas question de rester à ne rien faire, « Dans ma vie de tous les jours cela a des conséquences sur beaucoup de choix que je fais, à commencer par ne pas faire l’autruche… », comme quoi les animaux, c’est dans son ADN !
Pour lui il est essentiel « d’avoir conscience de ce qui se passe, le prendre en compte et faire des choix de vie ». Nicolas fait ainsi attention à privilégier le local pour son alimentation, évite la consommation de produits ultra transformés, consomme moins de viande et mieux… « On a refait l’isolation de la maison, changé le chauffage pour utiliser du pellet de bois parce que l’on pouvait prendre du bois de la région. Mais je ne suis pas du tout extrémiste, je suis déjà parti de l’autre côté du monde présenter mes films même si cela m’a posé question. Je fais beaucoup de vélo et je privilégie le train pour venir au studio », confie-t-il
Une consommation d’énergie quasi invisible
Justement, quand il est question du travail, Nicolas pense toujours à l’environnement. « Il y a certes la logique du transport, facilement appréciable, mais ici nous travaillons en images de synthèse et notre consommation d’énergie est presque « invisibilisée ». Les calculs se font à distance, dans le cloud. C’est un joli mot le nuage mais derrière se cache bien des choses. Comme des machines qui sont extrêmement consommatrices d’électricité, donc de la clim, des batteries de fuel au cas où il n’y a plus d’électricité qui arrive ».
Nicolas est également conscient que chacune des recherches internet a un coût énergétique, que pendant le confinement la visio et le tchat ont été importants et sont restés car ils créent du lien social. « Alors oui, s’échanger des gifs et autres à gogo c’est bien pour la relation humaine, mais tout cela a inévitablement des conséquences », évoque-t-il.
Nicolas estime qu’il est important « de faire attention à ne pas déconnecter ce que l’on fait au travail et notre sensibilité environnementale. Cela va nous concerner tous. Ici on est aussi attentif à ce que l’on véhicule. On fait des films d’animation qui sont destinés à un public, qu’il soit jeune ou vieux, et on a une responsabilité dans ce que l’on montre. Ni moi, ni mes films ne donnent de leçon, mais j’ai mon rapport à l’animal qui y transparaît un petit peu ».
C’est ainsi qu’il évoque son film réalisé pour Ecoprod, un label qui existe depuis pas mal d’années maintenant pour la production de films au cinéma, de séries aussi, qui vise à limiter l’impact carbone dans la filière. « Il y avait une girafe qui était un directeur de production et un piquebœuf qui était un peu sa petite voix, son Gemini Cricket et qui lui disait « tu peux peut être penser autrement, même si c’est compliqué dans ton métier, il y a peut-être d’autres solutions ». Lien vers le film
Aussi, s’il apprécierait que ce label puisse prendre de l’ampleur à l’avenir, Nicolas reste conscient de la difficulté dans le métier. « Quand j’ai fait Athleticus je n’ai pas dit à la prod je veux que l’on soit Ecoprod. C’est une contrainte en plus et gérer nos productions ce n’est jamais simple. Par contre j’ai proposé que l’on aille vers des actions comme Save Your Logo . Il y a beaucoup d’éléphants dans Athleticus, on pourrait par exemple travailler avec le WWF. Je me suis également rapproché de la LPO (Ligue Protectrice des Oiseaux) qui a pour emblème le macareux moine, de plus en plus rare en France mais présent dans ma série. On pourrait par exemple faire parler ce macareux pour qu’il puisse sensibiliser le public à l’environnement », imagine-t-il.
Prendre de l’avance
Pour aller dans le bons sens, l’auteur réalisateur ne manque d’ailleurs pas de pistes « J’avais assisté à une conférence qui traitait du coût environnemental de la production de Toy Story 4 pour lequel ils avaient calculé 15 fois la même frame pour être au top. Il avait été mis en avant la dépense d’énergie nécessaire et le nombre de jours de chauffage que cela représentait pour une ville comme Paris. Alors nous ne sommes pas Pixar mais cela ne nous empêche pas d’essayer de savoir où sont nos bras de levier pour décarboner ce que nous faisons. Par exemple nous utilisons des fermes de calcul pour nos images. Il faut les refroidir car ce sont de grosses machines. Des entreprises offrent la possibilité d’utiliser comme chauffage de ville ou de l’eau de piscine l’énergie qu’elles dégagent. S’approcher d’eux pour changer notre système actuel n‘est peut-être pas évident mais cela peut aussi devenir une logique d’habitude », propose-t-il.
Pour conclure Nicolas Deveaux avoue se poser constamment des questions sur le sujet de l’environnement. « Je sais que ce que l’on fait a un impact, culturellement par rapport aux images et dans tous les choix que nous faisons. Et c’est quand on réfléchit à tout cela que cela devient très complexe. Mais une chose me parait sûre, si on ne change pas suffisamment tôt, cela va devenir de plus en plus dur pour le faire. Alors que si on est en avance, les conséquences sur certains choix vont peut-être permettre de s’y retrouver assez vite ».
Propos recueillis par Christophe Hamieau, journaliste indépendant, pour Xilam Green.