VOICES OF CHANGE

« Sortir du mythe du récit unique et magique sur la transition écologique »

Force est de constater l’échec des récits centrés sur la transition écologique ces dernières années. Et si la solution n’était pas de trouver LE récit magique qui permettrait à lui seul de convaincre de la nécessité de transformer nos modes de vie, mais plutôt plusieurs récits basés sur les éléments du contrat social ? C’est ce que propose la chercheuse Marion Bet et le spécialiste des récits François-Xavier Demoures dans une nouvelle étude publiée par l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et l’agence Etonnamment si. Rencontre avec leurs auteurs.

« Ne pas chercher le récit clé de la transition sous le lampadaire », c’est ainsi que démarre votre étude, pouvez-vous préciser ?

François-Xavier Demoures, fondateur d’Étonnamment, si., une agence de stratégie narrative : Nous pensons qu’il faut en effet sortir d’une vision un peu magique du récit unique, centré sur la transition environnementale, qui va permettre de résoudre tous les problèmes. D’abord parce qu’un récit se construit et s’impose dans le débat public de façon progressive et ensuite parce qu’il provient d’une diversité d’acteurs. Enfin, parce que tout récit politique est basé sur un contrat social.

Pouvez-vous nous rappeler ce que vous désignez justement par contrat social ?

Marion Bet, chercheuse à l’Iddri au sein du programme Modes de vie en transition : C’est un travail de long terme que nous menons au sein de l’Iddri depuis 2023. Nous sommes partis de l’hypothèse qu’il existe des arrangements collectifs au sein de la société autour de quatre pactes que nous avons définis et qui doivent être entendus au sens large – le travail, la consommation, la démocratie et la sécurité.

Depuis la fin du XVIIIe siècle, ces quatre pactes ont toujours été structurants même s’ils ont évolué différemment au fil des années. C’est ce qu’on appelle le contrat social. Mais aujourd’hui on constate que ce contrat social se fissure, ces pactes sont fragilisés, voire rompus. Les promesses n’ont pas été tenues. Il est donc nécessaire de les mettre à jour, qui plus est dans un contexte de transition écologique, qui constitue un défi supplémentaire.

Vous proposez donc de partir de ce contrat social pour faire advenir la transition ?

Marion Bet : Un récit qui ne parlerait que de la transition ne peut pas marcher parce les enjeux écologiques n’apparaissent pas toujours directement reliés aux expériences vécues des citoyens au jour le jour. L’effort n’a pas toujours été fait, dans le débat public, pour montrer que l’écologie n’est pas un débat technique, mais qu’elle peut améliorer les conditions de vie… Ce n’est donc pas que les gens ne s’en préoccupent pas, au contraire, mais leurs problèmes quotidiens, dans un premier temps, se traduisent souvent à un autre niveau (travail, sécurisation sociale, accès à la consommation, etc.) – surtout pour des groupes sociaux qui sont dans des situations de contrainte budgétaire ou d’insécurité professionnelle très fortes. Il serait donc plus efficace, dans les récits politiques, de faire cette connexion entre conditions de vie et écologie, c’est-à-dire d’intégrer la transition dans les différents pactes sociaux (travail, démocratie, sécurité, consommation) plutôt que de porter un seul et unique récit centré sur la transition. On peut ainsi parler de la transition comme un adjuvant pour renforcer les différents pactes, par exemple pour donner plus de sens au travail, ou dans le pacte sécurité, évoquer le risque climatique…

François-Xavier Demoures : Plutôt qu’un seul et unique récit, c’est en fait un ensemble de récits qu’il faut proposer à l’aune des récits qui existent déjà et qu’on va pouvoir réorienter. Ce n’est donc pas quelque chose qui va tomber du ciel. C’est cela qu’on a voulu casser parce que cette vision finit par impuissanter les porteurs de la transition. C’est un processus long, de frictions, d’internalisations, de déclics, qui va amener à refaire des arrangements collectifs à des moments clés mais aussi de façon progressive. On inverse la perspective. La transition n’est plus la boussole ou le but ultime. Ce récit ne fonctionne que pour les personnes déjà convaincues. Mais pour les autres, il faut tester d’autres positions. Donc la question c’est par quel bout on commence et comment trouver une dynamique et une étape progressive.

Le récit occupe une place essentielle mais il ne peut pas tout ?

Marion Bet : Bien sûr, on ne va pas déclencher la transition uniquement avec les récits. Ils occupent certes une place centrale, mais on sait aussi que la priorité est la transformation concrète des entreprises, la mise en œuvre de politiques publiques ambitieuses, qui changent vraiment les environnements et les modes de vie… Néanmoins, une société ne se change pas non plus qu’à travers des dispositifs matériels, techniques et économiques. Les récits, les imaginaires, les symboliques ont également un rôle à jouer – complémentaire. Notre objectif est donc de lancer le débat autour des récits et de changer les aspirations au récit unique. Puis nous allons lancer une étude quantitative pour proposer différents récits – qui intègrent la transition écologique – à plusieurs groupes sociaux, afin de voir s’ils récits résonnent avec leurs aspirations et leurs contraintes, et s’ils pourraient donc fonctionner.

Demoures, F.-X., Bet, M. (2025) Vers un nouveau contrat social : le rôle et la place des récits, Iddri, Note : 202504-NOTE-récits contrat social_1

Bonjour 👋

Abonnez-vous à XILAM GREEN et restez informé chaque mois.

En renseignant votre adresse e-mail, vous acceptez de recevoir la newsletter, et vous acceptez notre politique de confidentialité.

Vous aimerez aussi

VOICES OF CHANGE

« Pour une écologie qui rassemble, créons des Maisons de l’écologie culturelle ! »

Les auteurs du Manifeste pour une écologie culturelle plaident pour la création de lieux d’éducation populaire et de rassemblement par-delà
VOICES OF CHANGE

« Climate change is about the people » Vanessa Nakate

Pour que chacun prenne davantage conscience de la nécessité d’agir face au réchauffement climatique, des militants pacifistes de diverses régions