INNOVATION

La future révolution du stockage ADN

Remplacer les gigantesques centres de données par une solution ultra-compacte, quasi éternelle… et qui tient dans une seule main, c’est la future révolution du stockage ADN. Et elle est déjà en marche.

Dans un monde où nos usages numériques explosent, les data-centers représentent 2 à 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Une empreinte carbone comparable à celle du transport aérien. Rien d’étonnant donc à ce que l’ADEME les place déjà au niveau des poids lourds en matière d’émissions de CO₂. Mais ces grands ensembles de câbles et de batteries pourraient bientôt laisser place à une alternative salutaire et paradoxalement microscopique. Petit par la taille mais grand par le stockage, c’est l’archivage moléculaire, et plus précisément dans de l’ADN synthétique. “1 gramme d’ADN peut contenir 450 millions de téraoctets”, explique Stéphane Lemaire, directeur de recherche au CNRS et cofondateur de Biomemory, entreprise pionnière dans le développement du stockage de données numériques sur ADN fondée en 2021.

L’ADN offre une telle capacité de stockage que 100 grammes seulement – soit le volume d’une tablette de chocolat – suffiraient à conserver l’ensemble des données numériques produites par l’humanité. Mais ce n’est pas tout, l’ADN peut être conservé sans aucune énergie, à température ambiante. “Stockée dans un environnement favorable, sa durée de vie peut dépasser les 100 000 ans, et une fois synthétisée, elle peut être conservée sans apport d’énergie, donc sans émettre de carbone”, poursuit le chercheur. Mais comment ça marche ?

“Une seule de ces capsules pourrait contenir l’équivalent d’un data center”

Stocker des données dans de l’ADN, c’est un peu comme transformer un texte en un code secret. On commence par traduire les 0 et les 1 de nos fichiers numériques, comme des photos, des vidéos ou des documents, en une suite de lettres qui composent l’ADN : A, T, C et G. Ensuite, on fabrique une petite molécule d’ADN avec ces lettres dans l’ordre choisi. Cette molécule est placée dans une mini capsule métallique qui la protège de l’eau, de l’air et de la lumière. Et quand on veut relire les données, il suffit de passer cette molécule dans une machine spéciale, un séquenceur, qui déchiffre les lettres et redonne le fichier d’origine. Magique.

Et le tout sans recourir à des solvants chimiques ni dépenser d’électricité pour le refroidissement. Une simple capsule métallique de quelques millimètres, développée par la société Imagene, pourrait contenir l’équivalent d’un data-center. Marc Antonini, coordinateur du programme de recherche MoleculArXiv, le confirme sur le site du CNRS : “Ces mini capsules peuvent stocker des millions de brins d’ADN (donc de données) car celui-ci est très compact. En théorie, une seule de ces capsules pourrait contenir l’équivalent d’un data center – on peut donc imaginer les gains énergétiques, mais également d’espace sur le territoire”. Lancé en 2022 par le CNRS et doté d’un budget de 20 millions d’euros sur 7 ans, le programme MoleculArXiv vise à inventer de nouveaux dispositifs de stockage de données sur ADN et polymères artificiels.

Une course contre la montre

Le stockage ADN reste encore lent à écrire – 100 secondes pour un seul bit, contre une fraction de seconde pour nos disques durs, selon une estimation de Marc Antonini en 2022. En France, le PEPR MoleculArXiv veut pousser la recherche au niveau européen. “Nous avons toutes les compétences pour relever ce défi de bout en bout, et le PEPR est un moyen non seulement de coordonner l’ensemble de ce savoir-faire au niveau national afin de proposer une solution souveraine, mais également de pousser au niveau européen. Ce sont des technologies émergentes qui vont attirer à leur tour les grandes entreprises, mais il faut faire vite”, affirme Marc Antonini. De son côté, l’entreprise Biomemory prévoit de commercialiser un “DNA drive” autonome dès 2030, capable de se brancher directement sur les infrastructures informatiques existantes.

En 2022, le numérique représentait 29,5 millions de tonnes de CO₂ équivalent, soit 4,4 % des émissions françaises, d’après un rapport de l’ADEME publié en janvier 2025. Les data-centers à eux seuls en génèrent près de la moitié, et leur consommation électrique devrait doubler d’ici 2026. À l’inverse d’eux, l’ADN n’a besoin ni d’électricité, ni de terres rares, ni de climat contrôlé. Attention, l’ADN n’émet pas de carbone lors du stockage passif, mais la synthèse et la lecture des séquences nécessitent de l’énergie et donc un bilan carbone non nul à ce stade. Même s’il reste très faible par rapport aux data centers. Une innovation plus que jamais nécessaire – quand on sait que limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle est désormais impossible, rendant les Accords de Paris de 2015 hors de portée. C’est ce qu’ont annoncé un groupe de 61 chercheurs associés au GIEC le 18 juin dernier, dans un article publié dans la revue Earth System Science Data. L’objectif est désormais de ne pas excéder les 2°C. L’urgence est là, les idées aussi.

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