Nous sommes allés à la rencontre de Frédérique Cauvin-Doumic, mandatée par Ecoprod pour réaliser l’édition du Guide de l’animation éco-responsable. Un nouvel outil indispensable à notre secteur.
Bonjour Frédérique, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis, depuis un an, dirigeante de Lallumette, une petite structure de services et de conseil en résilience, qui fait par ailleurs des bilans carbone dans le secteur des industries créatives et culturelles et des raisons d’être dans ce même secteur. Auparavant, durant une vingtaine d’années, j’ai eu deux entreprises dans le secteur du jeu vidéo. Et encore avant j’ai travaillé à France 3 Jeunesse et monté le département multimédia de France Télévision.
Je connais bien le secteur de l’animation car j’ai beaucoup travaillé, en tant que productrice de jeux vidéo, à partir de licences de dessins animés tels que Kirikou, Totally Spies, Franklin, Papa raconte.…
Aujourd’hui je suis mandatée par Ecoprod pour réaliser la première édition du Guide de l’animation éco-responsable.
Pouvez-vous nous présenter Ecoprod ?
Le secteur audiovisuel français émet l’équivalent de 1,7 million de tonnes de CO2. Parce qu’elle véhicule des messages et façonne les représentations collectives, cette industrie a une responsabilité particulière dans la prise de conscience écologique. Elle se doit donc d’être exemplaire dans ses méthodes de travail et de création.
C’est ainsi qu’Ecoprod a été créée en 2009 sous forme de collectif puis s’est transformée en association en 2021 avec les acteurs du secteur souhaitant s’engager dans des pratiques de productions audiovisuelles et cinématographiques respectueuses de l’environnement. Ecoprod fédère aujourd’hui plus de 300 membres représentant un chiffre d’affaires cumulé de 16 milliards d’euros.
En savoir plus : https://www.ecoprod.com/fr/
Alors, détaillez-nous ce futur guide
Il s’agit d’une première version qui sort pour le Festival d’Annecy, une V1.0 qui ne demande qu’à évoluer. C’est une première pour Ecoprod et à priori une première mondiale pour le secteur de l’animation ! Le guide est structuré autour de 7 parties et, à l’intérieur de chaque partie, des fiches pratiques soit 60 au total :
- Bâtiments et Bureaux (13 fiches)
- Contenu (5 fiches)
- Infrastructure des studios (16 fiches)
- Alimentation (8 fiches)
- Déplacements (6 fiches)
- Produits dérivés et communication (4 fiches)
- Formation Transition (8 fiches)
Et dans chaque fiche, on a deux ou trois leviers possibles : des pistes de solution, des exemples ou des bonnes pratiques.
Chaque fiche comprend aussi des critères : celui de la priorité écologique (noté sur 3) et celui de la difficulté de mise en œuvre (globale et aussi sur le plan organisationnel, sur le plan financier, en regard des gains économiques possibles).
Pour écrire le guide, et plus particulièrement sur la thématique “Infrastructure” très spécifique à l’animation, nous avons utilisé la méthode de co-construction entre les apports des producteurs du secteur (adhérents d’Ecoprod, de la Cartouch’Verte, d’AnimFrance et de Magelis), et les contributions d’experts tels que Marine Oury (All Sides Pictures), Ibrahim Soubhy (Hardbricks), Cédric Lejeune (Fyco), Julien Martin (MaGMa). Sans la contribution de toutes ces personnes le guide ne pourrait exister.
Encore une fois, il s’agit d’une première version pour laquelle beaucoup de gens ont participé, mais, avec le lancement du guide, on s’attend à recevoir de nouvelles bonnes pratiques qui n’ont pas encore été partagées.
Certaines bonnes pratiques sont aussi placées dans la catégorie « À évaluer », comme par exemple l’IA dont on ne sait pas trop comment elle va impacter le secteur sur le plan écologique.
Que retrouve-t-on dans la partie Contenu ?
Il s’agit d’une petite partie de 5 fiches pratiques, mais fondamentales. C’est à travers le contenu que l’impact est et sera peut-être le plus important de la part des acteurs du secteur. On trouve par exemple dans cette partie, une fiche “Agir sur les représentations”. On y suggère de passer son scénario au filtre des nouvelles représentations éco-responsables. Par exemple : est-ce que nos héros se déplacent en mobilité douce ou dans des véhicules bas carbone ? mangent plutôt végétarien ? Ou bien encore une fiche “Raconter de nouveaux récits”, où l’on suggère de travailler sur des récits qui peuvent inspirer pour transformer le monde actuel en un monde durable. Un sujet d’autant plus important que dans l’animation, on s’adresse aux plus jeunes.
Pour ce qui est de la Sobriété de contenu, nous présentons des leviers permettant de faire des choix artistiques et techniques écoresponsables. Par exemple en utilisant la 3D temps réel plutôt que la 3D quand cela est possible, car elle est beaucoup moins consommatrice d’énergie. Nous avons également eu des témoignages de producteurs qui commencent à verrouiller la possibilité de changer ce qui a été validé. A savoir éviter trop de changements qui s’avèrent très coûteux en travail et donc en émissions.
De même, nous avons souhaité souligner la nécessité de lutter contre l’augmentation de la définition des images. Notamment avec l’arrivée de la 8K qui paraît questionnable puisque beaucoup d’études montrent que l’œil humain ne serait pas capable de faire la différence avec de la 4K. Or le passage à la 8K a un impact potentiel énorme, puisqu’elle nécessite le renouvellement des écrans des spectateurs, des data centers plus importants, etc.
Dans ce sens, nous avons également proposé un levier qui consisterait à informer les spectateurs des impacts liés à la définition qu’ils utilisent.
A qui s’adresse le guide ?
Il s’adresse à tout le secteur de l’animation. On y entre par différentes portes. Pour chaque fiche, on indique qui est concerné : Petits ou grands studios ; 3D ou 2D ; et aussi quel type de collaborateurs : producteur, auteur, artiste technicien, responsable IT et directeur de studio.
C’est un des intérêts du guide, de s’adresser à tous, en offrant un maximum de liens et de sources pour s’informer, comprendre et agir.
Comment se procurer ce guide ?
Le guide est disponible gratuitement en téléchargement sur le site d’Ecoprod. Il y aura inévitablement des évolutions dans les mois et les années à venir. Télécharger le Guide de l’animation éco-responsable
Avez-vous un message à l’occasion de la sortie de ce guide ?
Merci d’abord à tous ceux qui ont contribué à l’écriture de ce guide. Et Que les acteurs s’en emparent, et qu’ils n’hésitent pas à contribuer à son évolution. A partager des idées, à apporter des précisions, à fournir des bilans carbone pour que nous puissions ajouter des mesures et des données.
Sachant qu’il ne s’agit surtout pas de se comparer entre producteurs. Une entreprise qui fait de la 2D n’est pas comparable à celle qui fait de la 3D par exemple.
Par contre, il est important de se mesurer, car c’est indispensable pour aller dans le bon sens. Dans l’ordre, notre conseil (et cela se retrouve partout dans le guide) c’est : commencer par se former, mesurer son impact carbone, puis analyser et se mettre en action pour le réduire.
Et pour se mettre en action, il est bon d’avoir en tête les 5R : Renoncer, Réduire, Réutiliser, Recycler, le cinquième concernant moins notre secteur puisqu’il s’agit de Rendre à la Terre. Quoique ! A travers les récits qu’elle propose, à travers des actions contributives, le secteur de l’animation peut participer à “rendre à la terre”.
Propos recueillis par Christophe Hamieau, journaliste indépendant, pour Xilam Green.