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Éduquer les garçons face aux stéréotypes de genre, autre terrain de lutte contre les violences sexistes et sexuelles

Qu’ont-ils dans la tête ? Créée en 2019, l’association D’égal à égale a adapté en France le programme américain “Global Boyhood initiative”. Le but ? Savoir où en sont les garçons par rapport aux stéréotypes sexistes. Les résultats, publiés en juin dernier en partenariat avec Ipsos, sont glaçants. Mais quels outils sont à disposition pour lutter ?

Tout part d’un constat : pour déconstruire les stéréotypes, on est longtemps partis de l’éducation des filles, qui peuvent être astronautes, docteures en médecine, boxeuses, menuisières ou présidentes.

On leur a offert des petites voitures et des vêtements bleus, des associations se sont formées pour que les fillettes acquièrent la bosse des maths ou de l’informatique, trouvent leur place – enfin – sur les bancs des grandes écoles comme des bac pro Mécaniques auto.

Même si des livres comme celui de la journaliste Aurélia Blanc, Tu seras un homme – féministe – mon fils (Ed. Marabout) ont su pointer le doigt là où il faut, les garçons ont été laissés sur le banc de touche de la fabrique des stéréotypes, même si les catalogues de jouet de Noël les montrent avec une poupée, ou des poussettes.

LUTTER CONTRE LES STÉRÉOTYPES DE GENRE PAR LA “MASCULINITÉ SAINE”

C’est pour cette raison qu’en 2020, le centre de recherche Equimondo (présent dans 55 pays et visant à promouvoir “une masculinité saine et prévenir la violence”) associé à la fondation Kering ont lancé (en 2020 aux États-Unis et en 2022 au Royaume-Uni) la “Global Boyhood Initiative” ayant pour but de réaliser des études sur la construction de la masculinité et d’engager les garçons dès leur plus jeune âge à lutter contre les stéréotypes de genre et les injonctions qui pèsent sur eux.

L’objectif à long terme est de lutter contre les violences sexistes et sexuelles (97% de ces violences étant le fait des hommes, ayant pour l’écrasante majorité été “élevés comme des hommes”).

Aux États-Unis, l’étude avait ainsi montré que 72% des garçons âgés de 10 à 19 ans ressentaient de la pression à “être forts”. Le coût de la masculinité toxique avait même été calculé : “Estimation basse du montant qui pourrait être économisé par les États-Unis si les normes de masculinité toxique n’existaient plus chez les jeunes hommes : 15 771 790 000 dollars.”

“19% DES HOMMES DE MOINS DE 35 ANS PENSENT QU’IL Y A DES MOMENTS OÙ UNE FEMME MÉRITE D’ÊTRE BATTUE”

L’initiative “D’égal à égale” a donc été lancée en France, grâce à la force de frappe de l’association En avant toutes, qui existe depuis 2019 et est présente sur tout le territoire. L’association fait la promotion de l’égalité femmes/hommes grâce à des formations des petites classes aux grandes entreprises, pour apprendre aux filles et aux garçons à dire “non”. Elle avait mis en place un “chat” (et non une ligne téléphonique, boudée des enfants) pour que les ados dénoncent les violences conjugales vécues dans leurs couples.

Pour adapter la Boyhood Initiative, l’association s’est appuyée sur deux études inédites menées conjointement en 2022 par l’Ipsos (une étude quantitative auprès de parents et de la population générale) et une étude qualitative auprès des jeunes menée par l’ARESVI (Association de Recherche et d’Etude sur la Santé, la Ville et les Inégalités).

“32% DES HOMMES DE MOINS DE 35 ANS AURAIENT HONTE QUE LEUR FILS SOIT HOMOSEXUEL”

En juin, les résultats ont été publiés et ils font froid dans le dos : seulement 56% des garçons sont à l’aise pour dire lorsqu’ils se sentent apeurés (contre 64% des filles). 19% des hommes de moins de 35 ans pensent qu’il y a des moments où une femme mérite d’être battue (Soit 1 sur 5). 30% des garçons ont déjà été frappés par d’autres garçons (18% pour les filles). 32% des hommes de moins de 35 ans auraient honte que leur fils soit homosexuel (contre 22% pour leurs filles). 64% des parents déclarent que lorsque leur enfant est triste, il va le plus souvent parler à sa mère (contre 14% à son père).

DANS LES COLLÈGES ET LES LYCÉES, DES “PETITES” AVANCÉES NOTÉES

Des chiffres qui n’étonnent pas Louise Delavier, directrice des programmes chez En avant toutes ! ayant supervisé et coordonné l’implémentation de l’initiative D’égal à égale dans les 3 écoles partenaires en France.

“On a toujours envie que ça aille très très vite, beaucoup de gens se demandent ‘pourquoi ça n’a pas changé alors qu’il y a eu #Metoo’? Sauf qu’il s’agissait d’un mouvement de révélation d’un état de fait, pas un moment où l’on s’est vraiment attaqués au coeur du problème”.

IL Y A TOUJOURS EU DES RETOUR DE BÂTONS DANS LES AVANCEES FEMINISTES

“Cela fait dix ans que je vais dans les collèges et lycées, et je sais que l’égalité n’est absolument pas atteinte. Si l’on constate des petites avancées en termes d’ouverture d’esprit (entre autres sur les questions LGBTQIA+) elle s’accompagnent aussi de mouvements très réactionnaires chez les jeunes (l’impression que les filles sont avantagées par rapport aux garçons, par exemple). Il y a toujours eu des retours de bâtons dans les avancées féministes. Tout mouvement révolutionnaire met du temps à se déployer”.

DES OUTILS À DÉVELOPPER, À L’ÉCOLE COMME À LA MAISON

L’étude ne se contente pas de faire un constat, mais se projette aussi dans l’avenir. Louise Delavier, est convaincue que la prévention peut avoir un effet à moyen et long terme : “le projet est en 4 axes : aider les garçons à exprimer leurs émotions en sachant les identifier (réagir sainement), les aider à se connecter les uns avec les autres, lutter contre les stéréotypes sexistes et enfin s’attaquer aux violences et au harcèlement”.

L’initiative d’Égal à Égale va donc mettre à disposition des outils pour aider les garçons (et avec eux, toute la société). L’association a mis en place un projet pilote d’”Atelier de l’égalité”. En 8 mois, 450 enfants ont été formés lors de ces ateliers, pour un total de 12 séances dans 18 classes. Cette petite formation (dont les contenus sont disponibles en ligne sur le site de la GlobalBoyhood Initiative) a permis de libérer progressivement la parole autour des stéréotypes sexistes et de créer des questionnements collectifs.

Baptisé “L’Ouvre discussion”, un petit jeu de cartes permet également de créer un véritable espace d’écoute et de communiquer en profondeur avec les enfants de 4 à 13 ans dans n’importe quel contexte. Un petit jeu qui pourra aussi aider les parents à déconstruire leurs propres stéréotypes : “il y a beaucoup de préconçus chez les adultes, vis à vis des jeunes, conclut Louise Delavier. Snapchat, la téléréalité et Booba… ils oublient que ça a été créé par les adultes. Il est important de se souvenir de qui influence qui, en matière de stéréotypes !”.

Un article d’Anne-Laure PINEAU, Journaliste indépendante pour diverses publications francophones, en print et en web (Télérama, Paris Match, Marie Claire, La Croix hebdo, Libération, les Inrocks, Madame Figaro, Le Monde éducation, Géo, Géo Ado, Prier Magazine…) et Reporter pour des sujets de société et de culture en France à l’étranger (USA, GB, Espagne).

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