La quarantaine, Christophe Lhuillier a commencé sa vie professionnelle en tant qu’éducateur en institution. Il proposait aux résidents souffrant de troubles autistiques des ateliers artistiques, d’écriture. « Là je me suis aussitôt rendu compte que les gens à la marge avaient vraiment quelque chose à apporter au secteur de l’art. Et, de fait, petit à petit cela a dérivé sur de l’art brut », explique-t-il aujourd’hui.
C’est ainsi qu’il s’est quelque peu éloigné du champ du social pour vraiment se focaliser sur la mise en avant de l’art à la marge et de l’inclusion par la culture, « dans le sens un peu plus vivant, j’ai envie de dire, de là où on l’attend le moins ». Comme par exemple dans la musique rock avec son groupe, Astéréotypie, dont certains membres souffrent de troubles autistiques et composent les paroles des chansons.
Attention, pour Christophe pas question d’aller y trouver une recherche de thérapie et encore moins de pitié, non tout cela n’est que de l’expression artistique, brute. « Astéréotypie est un groupe de rock avec 4 chanteurs et 4 musiciens. Absolument normal, comme les autres, avec un producteur, un tourneur, qui est vraiment programmé dans des salles, des festivals. Il n’y a aucune programmation qui est liée avec quoi que ce soit du handicap ou de l’inclusion, il est juste littéralement inclus. On a fait un Bataclan il y a trois semaines, c’était rempli. Il y avait bien certaines personnes liées à des problématiques autour du handicap évidemment et c’est important mais la majorité des gens étaient essentiellement des fans de musique qui ont acheté le vinyle en partant ».
Pérenniser les choses, que cela ne soit pas anecdotique
Christophe Lhuillier est également présent au sein du comité de rédaction du Papotin. Le journal créé en 1990 par Driss El Kesri, éducateur à l’hôpital de jour d’Antony, fort d’une cinquantaine de journalistes atteints de troubles du spectre autistique, qui a donné naissance aux Rencontres du Papotin. Un magazine d’interviews atypiques de personnalités, diffusé sur France 2 et qui connait aujourd’hui un véritable succès.
Mais Christophe se méfie de cette notoriété. « C’est très bien, mais j’ai envie de pérenniser les choses, et c’est aussi pour ça que je porte le Colis Suspect du Festival Futur Composé auquel je participe. Pour faire en sorte que cela ne devienne pas anecdotique. », explique-t-il. Ici une fois de plus l’idée est avant tout de débusquer les talents, de multiplier les échanges, mettre en évidence ce fameux « apport de la marge ».
Le concept du Colis Suspect est efficace. Un objet original est créé par les organisateurs (l’an passé autour du ticket de métro qui va disparaitre). Il est envoyé dans un colis aux institutions partenaires et présenté aux résidents.
« Quand ils reçoivent le Colis Suspect les résidents peuvent s’inscrire en Participation Libre, Solo ou en Artistes Associés pour réaliser leur oeuvre. L’idée est de montrer par exemple pourquoi la collaboration entre une personne qui écrit des textes un peu étranges et quelqu’un qui fait de la musique cela peut être très intéressant. Ou bien encore qu’un gars qui fabrique des bonhommes en pâte fimo, s’il travaille avec une artiste qui fait des stop-motion, ça va donner un film hallucinant », nous explique Christophe.
« Ce sont des gens qui sont hors cadre, hors normes. Et de par cette position, pour ceux qui sont talentueux, ils peuvent apporter vraiment quelque chose de nouveau. Je pense au prix de l’année dernière, celui de la collaboration artistique, par exemple. Ce résident qui créait des personnages en pâte fimo en s’inspirant de personnages du dessin animé Madagascar, mais en changeait les couleurs. il leur mettait des couleurs complètement piquées. Il se créait un univers sur un univers. Personne n’oserait faire un truc comme ça. Donc il y a un véritable apport dans ce sens-là. Cela nous amène à un autre regard, à un nouvel axe de lecture. On va chercher ailleurs, sur quelque chose qui n’a pas eu les mêmes fondations en termes d’histoire de l’art. Nos talents n’ont aucun cadre, pas de formation. C’est vraiment une transcription de ce qu’ils vivent et ce qu’ils ressentent. C’est ce que nous recherchons bien sûr. », ajoute-t-il.
Ensuite, nous constituons un jury Colis Suspect. L’année dernière, il était présidé par Pio Marmaï, et cette année, ce sera Anaïde Rozam. Les prix sont décernés en fonction des catégories. Cette année, nous avons développé un partenariat avec les cinémas Dulac. Les meilleures vidéos seront présentées pendant un mois dans leurs salles avant chaque séance. Nous sommes également en discussion avec le Palais de Tokyo pour envisager un partenariat.
L’étape suivante est des plus importantes. Celle du festival et son exposition, soutenu l’an passé par la collaboration enthousiaste de nombreux artistes issus de la musique telle Rebeka Warrior, Rodolphe Burger qui ont spécialement proposés des créations en collaboration avec des artistes atypiques, du théâtre avec par exemple Denis Lavant ou encore la danseuse et chorégraphe Kaori Ito.
L’événement qui s’est tenu à Paris, à Ground Control, a été un vrai succès. « Il y a un mélange qui s’opère entre les parents, les éducateurs, les gens qui sont en institution et surtout un public qui vient vraiment là pour la qualité culturelle de la chose. Et qui ne connaît rien au handicap et qui n’est pas venu là pour faire sa bonne action. C’est un peu ce que l’on vise », se félicite Christophe.
Xilam nouvel invité dans le projet
L’expérience va se renouveler cette année. Avec encore plus d’artistes, plus de structures et d’institutions promet Christophe. Rendez-vous est fixé, toujours à Ground Control, du 12 au 21 juin. « Le colis est prêt. Ce sera autour de la thématique des Jeux Olympiques. Mais évidemment, vu avec un pas de côté. Ce ne sera pas au premier degré. Avec tout ce que cela peut apporter autour du sport, de l’athlète, mais aussi de la question politique. On essaie vraiment de faire ce qui va permettre à la création d’être la plus libre possible », nous confie Christophe plein d’enthousiasme.
Un enthousiasme que l’on partage également chez Xilam. En effet Julie Appéré, Talent Scout au studio, qui suit depuis longtemps le groupe Astéréotypie, a été contacté par Christophe pour échanger autour du Colis Suspect.
« Cela a vraiment beaucoup de sens en regard de ce que nous sommes en train de développer actuellement chez Xilam, comme par exemple nos masterclass sur la diversité, l’inclusion… La mise en place de comités pour réfléchir aux actions à mener en interne, sur la sensibilisation des équipes, du recrutement, du management… », explique Julie.
Pour elle l’univers de l’animation, véritable travail d’équipe, est propice à s’investir dans Colis Suspect, qui mêle l’artistique, que ce soit dans le cadre graphique ou littéraire, aux valeurs.
Ce que Xilam applique naturellement et qui ne manque pas de satisfaire Julie. La preuve en est puisque lorsqu’elle a présenté le projet aux artistes travaillant pour le studio, « L’adhésion a été immédiate, ils se sont tout de suite engagés avec enthousiasme, détermination et une énergie contagieuse. »
Un accueil que Christophe Lhuillier a également particulièrement apprécié au vu des profils proposés par Julie, aujourd’hui absolument ravie de la collaboration qui débute cette année et qu’elle espère bien sûr durable.
Propos recueillis par Christophe Hamieau, journaliste indépendant pour Xilam Green