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Un numérique plus sobre, c’est un levier concret pour l’animation responsable

Guillaume Jallot – CTO de Xilam

“Un numérique plus sobre, c’est un levier concret pour l’animation responsable”

Guillaume Jallot, Chief Technology Officer (CTO) chez Xilam, concilie chaque jour innovation technologique et responsabilité environnementale au service de la création artistique. Nous sommes allés à sa rencontre pour connaître sa vision du numérique responsable dans l’animation, alliant performance, sobriété et créativité.

Guillaume Jallot est arrivé il y a 8 ans chez Xilam avec pour mission de monter le département 3D à Angoulême. Fort d’une vingtaine d’années dans l’animation et les effets visuels, avec différentes expériences en direction technique et en gestion de studio, il a participé à de nombreux projets tels que Les triplettes de Belleville, Code Lyoko Evolution, Titeuf le film, Les comptes de Lupin, Oggy-Oggy.

Après avoir été Directeur Technique, Guillaume est aujourd’hui CTO de Xilam, un poste qui englobe les 3 départements que sont la R&D, l’informatique et la direction technique. « Je suis passé par les Beaux-Arts et c’est cette touche créative que cherchait Xilam pour son poste de CTO », souhaite préciser celui qui a depuis le début de sa carrière professionnelle l’envie de concilier enjeux technologiques, rigueur technique et besoins artistiques.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, il a la passionnante tâche de « piloter l’ensemble des infrastructures techniques des Studios Xilam : les serveurs, le stockage, les logiciels métiers, les flux de production, mais aussi la cybersécurité et l’innovation. C’est un poste transversal, en lien étroit avec les équipes de production, nos partenaires et le pôle RSE ».

Sur ce dernier point, Guillaume n’a de cesse de travailler à toujours mieux intégrer les enjeux environnementaux dans les choix technologiques du studio (infrastructure, cloud, rendu, stockage, etc.). « L’optimisation est déjà incluse dans ma tâche à la base puisque saturer les serveurs n’est évidemment pas une bonne chose. De même, dans le cadre de notre projet retenu pour France 2030, nous travaillons sur 3 axes dont la gestion des données, des infrastructures et le côté RSE depuis plus d’un an et cela va se poursuivre durant environ 3 années. Un numérique plus sobre, c’est un levier concret pour l’animation responsable ».

C’est ainsi que des outils ont été mis en place pour connaître précisément l’évolution de la taille et du nombre de données et comment elles se comportent. 4 grands ateliers sont travaillés avec les salariés de Xilam, la compréhension, la catégorisation, la finalité de la donnée et dans la quatrième partie le développement des logiciels, des outils, des chartes sur la gestion de la donnée.

L’équipe IT de Xilam, moteurs d’un numérique responsable et créatif.

« Nous avons ainsi audité nos serveurs internes pour mieux calibrer les usages, réduit le stockage redondant et les fichiers non utilisés, sensibilisé les équipes à l’éco-conception numérique (formats, poids des fichiers), mis en place un pilotage plus fin des flux de rendu 3D et amorcé une transition vers des solutions cloud plus efficientes, avec des fournisseurs mieux notés en matière de RSE », explique Guillaume.

Chez Xilam, la donnée est aussi sacrée qu’elle exige de place et d’énergie. D’où l’importance d’y être particulièrement attentif dans sa gestion. D’ailleurs, on devrait parler de données au pluriel, car Xilam en a deux types et donc deux data center. Un à 10km pour l’accès aux données chaudes, les données de fabrication et de support immédiates. C’est un des 4 plus grands data center au monde, mais qui est carbone zéro. Un autre data center plus éloigné nous permet de stocker de plus grands volumes, chez Infomaniak. Entreprise à la pointe mondiale au niveau écologique puisque sans climatisation, un bâtiment incroyable dans sa conception, enterré, de très haute technologie dont la chaleur dégagée par les serveurs sert de chauffage aux immeubles situés en surface. « Nous utilisons d’ailleurs toujours plus cette solution dans la gestion de nos données d’échange », confie Guillaume.

C’est pourquoi beaucoup de travail est mis en place en matière de sobriété numérique dans les pipelines de production. Notamment la mise en place de procédures de filtres et d’archivages qui permettent de traiter les données par catégories et de ne faire circuler et stocker que celles nécessaires, ce qui a un impact énorme, à commencer par le plan financier. « Une analyse de ces procédures et donc de leurs résultats est effectuée tous les deux mois afin de déterminer comment les améliorer. Un travail qui devrait se poursuivre encore un certain temps », assure Guillaume.

« Le résultat est déjà probant puisque malgré le travail de production en cours, la courbe des données dites chaudes continue de descendre grâce à la mise en place de ces filtres et de ces procédures. En juin, après six mois de diminution continue, la courbe reste orientée à la baisse, tandis que la production ne ralentit pas », se félicite Guillaume.

« Bien sûr, il est un moment où la tendance sera moins marquée et il sera alors temps de travailler à trouver un moyen de freiner l’expansion des données et obtenir une courbe qui ne monte pas trop », ajoute-t-il.

Du fait des archivages et des catégorisations, se pose inéluctablement la question de l’accessibilité à ces données. Et bien évidemment, cet accès se doit d’être optimal et adapté.

Concernant les archives par exemple, Xilam a investi dans une robotique, de la bande, du stockage froid. « C’est mis dans un coffre, il n’y a pas d’électricité, cela ne bouge plus, pas besoin d’une climatisation folle », souligne Guillaume.

Guillaume Jallot est conscient que « la sobriété numérique est encore un concept jeune dans notre secteur. Il faut concilier des exigences de performance — surtout pour des productions à haute intensité graphique — avec des objectifs de réduction d’impact. Et cela suppose aussi un accompagnement du changement : former, sensibiliser, expliquer ».

C’est ainsi que, concernant le matériel, Xilam a aussi travaillé sur des solutions afin de prolonger la durée de vie des équipements informatiques utilisés par ses équipes. Il faut tout d’abord savoir que le studio a pris la décision de ne plus fabriquer en 4K, les dessins animés étant désormais diffusés en full-HD ou en 2K.

« D’où un stockage et un impact moindre. Mais surtout, ceci ne nous oblige plus, hors serveurs bien entendu, à posséder les dernières machines en termes de puissance. De plus, les ordinateurs peuvent être utilisés sur plusieurs années : Ils débutent chez un graphiste, puis sont réaffectés selon les profils des départements, permettant ainsi de fonctionner plus longtemps,  de 6 à 8 ans, voir 9 à 10 ans pour le service comptable où ils restent parfaitement efficaces pour de la bureautique. Ou alors ils peuvent passer en remote, puisque dans ce cas c’est la machine distante qui doit être performante plutôt que la machine source. Ce sont, qui plus est, des machines qui consomment moins, et qui peuvent même être centralisées dans les data center externes », explique Guillaume.

Enfin, comment ne pas aborder la question de l’IA aujourd’hui, tant sur son impact environnemental que sociétal ?

À ce sujet, Guillaume se veut assez optimiste.  « Xilam dispose d’un labo IA qui a pour objectif de démystifier, de mieux comprendre et de mieux utiliser l’IA. Concrètement, nous avons un projet qui n’est surtout pas de l’IA générative.

Nous utilisons ces nouvelles technologies pour réactualiser d’anciennes séries et les rendre à nouveau accessibles aux diffuseurs comme au grand public.

Par ailleurs, il existe un paradoxe évident entre l’IA et l’environnement, même si toutes les IA ne sont pas gourmandes en énergie : ce sont principalement les entraînements génératifs qui sont très lourds. Un réseau de neurones ne consomme quasiment pas ».

Nous l’avons compris, pour Guillaume Jallot, “Le numérique responsable, c’est une question de méthode autant que de technologie.” Une règle qu’il applique également à titre personnel. « J’ai récemment fait le ménage numérique de mes disques durs (et de mes mails !), je suis passé à un moteur de recherche éthique, et je privilégie le reconditionné pour le matériel perso. Et je suis assez actif sur les forums tech autour du Green IT, nous confie-t-il au moment de conclure notre entrevue.

Entretien réalisé par Christophe Hamieau pour Xilam Green

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